Tchat entre Maryse Dumas secrétaire confédérale de la CGT et internautes.
Qu'est-ce que cette grève va changer ?
Maryse Dumas : La grève et les manifestations vont changer le climat social global dans le pays. Elles vont montrer qu'il faut absolument changer le centre de gravité des politiques économiques et sociales. Elles vont parler directement au gouvernement et au patronat, mais elles vont aussi donner confiance à tous ceux qui souffrent dans les entreprises, dans les localités, dans les Assedic. Et elles vont leur montrer qu'on n'est pas obligé de se laisser faire. C'est pour cela qu'elles sont porteuses d'avenir, et pour cela qu'elles auront des suites.
FS : Beaucoup de personnes dans mon entourage pensent que la grève de demain sera aussi peu considérée que les précédentes (cf la phrase de notre cher président). Comment unifier tous les mouvements et les revendications et surtout autour de quel message ? Lutte pour le pouvoir d'achat ? Pour une refonte du système économique ? Bref, comment faire pour que le message passé soit plus profond qu'un simple ras-le-bol général ?
Maryse Dumas : Il faut déjà que le ras-le-bol général s'exprime et qu'il soit en même temps porteur d'exigence d'une politique nouvelle. C'est sur ces deux aspects que se construit le 29. Il n'y a que les actions qu'on ne mène pas qui ne font rien bouger. Toute l'expérience syndicale montre au contraire que c'est par des actions multiples qu'on réussit à créer des rapports de force durables. La journée du 29 est unique en Europe, elle est presque unique dans l'histoire de France, puisque pour la première fois, tous les syndicats appellent ensemble à l'action, non seulement contre une mesure, comme ça avait été le cas pour le CPE, mais pour des alternatives à la politique économique actuelle. Et cela dans une période de crise. C'est cela qui est porteur d'avenir. Pour l'instant, ceux qui ont intérêt à faire croire qu'une journée d'action ne sert à rien, c'est ceux qui veulent que rien ne change. La CGT n'est pas de ce côté-là.
Mandragore : Compte tenu de la multitude des revendications, par corps d'activités en particulier, êtes-vous certaine que le message sera clair ? Quel message souligner en priorité, s'il peut être résumé en une phrase ?
Maryse Dumas : En une phrase, je dirai que quand il y a autant de milliards sur la table, ils seront bien mieux dépensés en les attribuant aux salariés, aux demandeurs d'emploi et aux retraités qu'en les distribuant à ceux qui nous ont plongés dans la crise où nous sommes. Je pense aux grands financiers, je pense aux grands actionnaires et aux grands groupes qui continuent à s'en mettre plein les poches.
woodstock : Le ministre du budget déclare que ce n'est pas le moment pour une grève en raison de cette période de crise (et de tempête dans le Sud-Ouest) et qu'il vaudrait mieux que tout le monde se serre les coudes et remonte ses manches, bref soit solidaire. Que lui répondez-vous ?
Maryse Dumas : D'abord, je ne connais pas un seul ministre qui ait jamais trouvé que ce soit le moment de la grève. En ce qui concerne la solidarité, je pense qu'il devrait commencer par balayer devant sa porte, car quand le gouvernement prévoit de supprimer 30 000 emplois de fonctionnaires en 2009, c'est-à-dire qu'il va fermer la porte à 30 000 jeunes qui auraient pu sans cela trouver un emploi dans la fonction publique, je trouve ce discours sur la solidarité bien mal venu. Mal venu de la part d'un gouvernement qui n'arrête pas d'ouvrir le tiroir-caisse au profit des plus riches, ou bien des banquiers, ou bien des actionnaires des entreprises, et qui n'a pas un centime pour ceux qui n'ont que leur travail pour vivre.
Quant à la tempête dans le Sud-Ouest, je voudrais faire savoir que la CGT-EDF ne fera pas grève dans le Sud-Ouest, de façon à permettre la réparation rapide du réseau, et les agents concernés manifesteront leur solidarité avec la journée du 29 sous forme de pétition. Mais sans doute le ministre n'est-il pas accessible à cette vraie conscience de service public que manifestent les agents.
vino_de_mesa : En quoi désapprouvez-vous l'action du gouvernement face à la crise ? Ne pensez-vous pas que lui laisser le temps de construire un plan solide serait plus ... constructif ?
Maryse Dumas : Mais il y a déjà plusieurs mois que le gouvernement a annoncé son plan de relance. Il ne l'a pas négocié avec les syndicats. Ce n'est pas une question de temps, c'est une question de logique. Et nous pensons que le gouvernement refuse de se sortir de la logique libérale qui a conduit à la crise dans laquelle nous sommes. S'il continue sur cette lancée, la crise sera encore plus grave. Les comparaisons internationales montrent que la France résiste plutôt mieux à la récession que d'autres pays comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, ou même les Etats-Unis. Or cette meilleure résistance est liée à notre système social de solidarité, d'interventions publiques, de services publics, de protection des salariés dans le code du travail, tous aspects que Nicolas Sarkozy s'est fixé pour objectif de détruire au nom de la "libéralisation" du marché du travail.
Il faut donc obtenir que le président de la République accepte de remettre en cause ses dogmes. Il ne faut pas libéraliser le code du travail, il faut au contraire créer de nouvelles protections sociales. Il ne faut pas distribuer de l'argent sans contrepartie aux entreprises, il faut permettre aux représentants des salariés, dans les entreprises, de contrôler l'utilisation des fonds, et créer une sécurité sociale professionnelle pour protéger les salariés du chômage. Enfin, il faut développer l'investissement, bien sûr avec des fonds publics, mais aussi en obligeant les actionnaires à renoncer à une partie de leurs dividendes pour que les entreprises participent à l'effort d'investissement. Et dans l'investissement, nous mettons l'investissement dans les formations et qualifications des salariés.